Bienvenue sur le site de "La Bergerie", magasin de céramique d'art créé en 1958 par ma mère, Francine Azaïs, mon père Jean ayant assuré la décoration intérieure et extérieure : rien n'en a été changé, à part quelques rafraîchissements périodiques. Les étagères ont été faites avec de vieilles mangeoires à bestiaux ramenées du Sud-Est et soigneusement cirées; des meubles anciens de même origine assurant le reste de l'équipement. Ce qui fait parfois dire à des visiteurs hâtifs et peu attentifs : "C'est un antiquaire".
Dès lors, les céramistes présentés ont été choisis en fonction de l'intégration de leur production à ce décor...Jusqu'au jour où l'on s'est aperçu qu'il convenait à tout...
Aujourd'hui, après les années de prospérité, après les Massier, après Picasso, qu'est devenu Vallauris ?
Un souvenir.
Certes, il reste des artistes, des galeries, des magasins. Il en faut, du mérite, pour tenir le coup. Et cela seul vaut que l'on retourne à Vallauris.
On ne peut pas dire qu'on n'a rien vu venir; simplement, on a cru que ça allait durer toute la vie, qu'il suffisait de pousser sa charette dans la même ornière pour continuer la même route jusqu'à la fin des temps.
Quant à ceux qui avaient en charge le soin de la cité, ils avaient, outre une courte vue, d'autres préoccupations. Parfois très personnelles.
Aujourd'hui, c'est le béton. "Construire la ville sur la ville", tel est le credo officiel. Il faut dire que, mettre un agent immobilier à la tête d'une ville, c'est donner les clefs du centre de transfusion sanguine au comte Dracula.
Quel intérêt à garder un vieil atelier de céramique qui étale de façon obscène son archaïsme sur un beau terrain de 15OOm²?
On rajoute des habitants par trains entiers ; peu importe s'ils contribuent à transformer le "village" qu'ils ont cru trouver en une taupinière géante digne de "Metropolis", ils sont "sur la côte". Et les nouveaux venus, ignorants des détails de la vie locale, votent toujours bien: plus on les entasse, et plus l'entasseur assure sa pérennité. Cercle vicieux...Mais tellement profitable...
Les rénovations urbaines entreprises, parcellaires, sont souvent hideuses, comme cette place des Ecoles inutilisable qui n'aurait pas déparé dans la Russie de Staline, ou ces abominables pavages dans la vieille ville, et ces trottoirs en granulat de béton où s'incrustent ad vitam chewing-gums et verglas caniculaires : on a fait venir un architecte célèbre de Paris, qui, détrôné par un autre à La Défense, nous a fait du Bobigny des années 70, moins commode mais plus cher.
On a installé à grands frais -chiffres tenus secrets- un célèbre restaurateur, qui a créé une cantine pour apparatchiks, et qui s'est évaporé en laissant des ardoises comme le Petit Poucet, des cailloux.
Pour montrer que l'on a de la culture, on organise cette biennale d'art contemporain qui n'intéresse personne, hormis deux ou trois profiteurs de la manne financière, et où l'on verra bientôt de vieux pneus et de la crotte de bique promus au rang de gestes artistiques novateurs et incontournables.
La presse locale (nous sommes sous le régime du journal unique, façon "La Pravda", en moins rigoureux et moins marrant) n'a jamais manqué de célébrer à outrance la réussite des caciques locaux et des manifestations les plus ringardes et les plus ratées, avec une inoxydable béatitude digne des regrettées démocraties populaires, allant jusqu'à publier les photos de l'époque où ça marchait quand celles du jour n'auraient montré qu'un désert et un bide.
"Jamais las de guetter dans l'ombre la lueur de l'espérance" ainsi que disait ce grand homme qui avait ramassé par deux fois tout un pays à terre, nous attendons le jour du renouveau...Car on ne peut tout de même pas craindre qu'éternellement, les ânes soient rois -que ce sympathique animal me pardonne cet amalgame injuste et facile- et peut-être qu'un jour, puisque tout recommence toujours, le Phénix renaîtra de ses cendres...
Christian Azaïs
Note du 24-02-2010 : j'ai cru comprendre que, certains des candidats habituels à la reprise des affaires, se sont cru encouragés par le texte ci-dessus : hélas, hélas, hélas, qu'ils se détrompent . C'est à un vrai renouveau, à long terme, que je fais allusion, quand justement tous les sépulcres blanchis auront disparu sous la poussière du temps...
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