Roger Collet (1933-2008) était Suisse. Un Suisse un peu anar, tout de même. J'aimais beaucoup son humour acerbe (je n'ai pas dit qu'il était Serbe, mais Suisse), sa vision sans complaisance de Vallauris et de ceux qui y faisaient la pluie et le beau temps...Il avait la dent dure, et à juste titre. Beaucoup de ceux qui se croient aujourd'hui obligés de l'encenser avaleraient de travers l'opinion qu'il avait d'eux. Sa production a été en vente à La Bergerie pendant quinze ou vingt ans ; il fait partie des trois céramistes (avec Derval et Thiry), qui m'ont dit que, sans ma mère et son magasin, ils auraient probablement cessé leur activité. Il faut dire qu'aujourd'hui, les objets fabriqués par ces gens-là sont recherchés ; à l'époque, ce qui se vendait surtout, c'était ce qu'on appelle aujourd'hui le "kitch", et qu'on désignait à l'époque sous le vocable moins châtié de m....
Cette suissitude m'amène à la réflexion suivante : à Vallauris, on a un respect immense pour "les enfants du pays", c'est-à-dire la plupart du temps des descendants d'immigrés italiens de date plus ou moins fraîche. Or, il faut bien reconnaître que 95% au moins des artistes qui ont fait le renom de Vallauris, étaient des "estrangiers", depuis les Massier jusqu'à Picasso, en passant par Derval, Capron et tout le monde. Les "enfants du pays" avaient tendance à rester dans l'ornière de la production de masse...Ce qui les intéressait, ce n'était pas l'art, mais de faire un maximum d'argent le plus vite possible, et ça marchait ("Une saison, une maison" disait-on...).
La dernière fois que j'ai discuté avec Roger Collet, je l'avais rencontré dans la rue ; nous avons parlé de Jacques Innocenti, qu'il avait beaucoup apprécié en tant qu'artiste et individu. Nous sommes tombés d'accord pour nous revoir et en reparler, notamment de la date de sa mort, qui nous semblait (très probablement à tort) plus récente que ce qui est communément admis, mais lui-même a disparu quelques jours plus tard...