Café Llorca / Marianne : chronique d'une mort annoncée.
Café Llorca / Marianne : chronique d'une mort annoncée.
Lorsque, voici quelques années, la municipalité de Vallauris a décidé de financer à fond l'installation d'Alain Llorca, chef étoilé, sur la place centrale de la commune, dite de "L'Homme au Mouton », en raison de la présence d'une statue de Picasso éponyme, nous avons immédiatement fait part de nos réserves.
En premier lieu, il était étonnant que des fonds publics soient massivement injectés dans une affaire privée. On a parlé de 700 000€, mais la mairie refuse de communiquer sur cette affaire ; la Commission d'Accès aux Documents Administratifs, saisie par nous, lui a enjoint de nous communiquer les chiffres, ce que le maire, violant outrageusement la loi, n'a jamais fait.
Ensuite, il était pour le moins hasardeux de lancer cette opération de manière isolée : il aurait fallu créer un contexte urbanistique favorable, avec un ensemble d'opérations concordantes, ce qui n'a pas été fait.
Troisièmement, il fallait se méfier d'un individu qui, pour habile qu'il soit dans son métier, n'en venait pas moins de couler par sa gestion, le célèbre Moulin de Mougins, l'une des meilleures tables de France, qui ne s'en est jamais remis.
Pendant un temps, le nouvel établissement a servi de cantine aux apparatchiks de la mairie et à leurs amis ; puis, la mauvaise gestion, ici comme ailleurs peu de temps auparavant, aidant, il s'est vite trouvé au bord du gouffre. Pourtant, ce n'était pas la charge des frais de gestion qui devait peser bien lourd : loyer gratuit, personnel provenant en partie gratuitement de l'école hôtelière, factures EDF et autres impayées, fournisseurs « plantés »…Bref, on se demande bien où passait l'argent. Pas le maire, qui déclara un jour en conseil municipal « Si Llorca s'en va, on lui demandera de rembourser ». Rodomontades habituelles chez un homme rompu à faire des promesses.
Le « Café Llorca » fut ensuite transformé en « Café Marianne », sous l'égide de la propriétaire d'hôtels et restaurants de Juan-Les-Pins. Après avoir tenu au-delà du raisonnable en termes économiques, elle a fini par jeter l'éponge.
Et voici une nouvelle friche commerciale, bien grande, bien placée et bien visible. Et bien ruineuse pour le contribuable : qui s'en soucie ?
Gloire à nos édiles, qui ont, en un temps assez court, non seulement ruiné la ville, mais lui ont conféré cet aspect de désolation qui fait fuir les rares égarés qui s'y risquent encore.
Suite, 23 Avril 2012
Un grand article de Nice-Matin en date du 16 Avril donne des détails à mourir de rire. La propriétaire de l'ex-Café Marianne, Mme Marianne Estène-Chauvin, apporte des "précisions" : "C'est une place de rêve. Un lieu formidable. C'est pour moi la plus belle de la Côte d'Azur". Certes. Ne lésinons pas : c'est probablement la plus belle place de la galaxie. On se demande juste pourquoi les commerces y crèvent avec une régularité de métronome. Les "explications" continuent : "Oui, il y a une clientèle. Je ne vais pas dire que c'est la même qu'à Cannes. Mais elle est bien là."
C'est fantastique : elle est tellement là, cette clientèle qui n'est pas la même qu'à Cannes (on se demande ce que ça veut dire, ça pourrait bien être un peu vexant si on y réfléchit...), que l'on tire le rideau et qu'on disparaît vite fait.
Ce qui n'empêche pas d'émettre un voeu pieux : la propriétaire attend l'installation du prochain restaurateur avant l'été. Ben voyons: Vallauris, ça n'est pas Lourdes, l'ex-Café Marianne, ce n'est pas la grotte miraculeuse...Il est vrai que des gogos qui reprennent des commerces à Vallauris, on en trouve tous les ans, qui mettent un an ou deux à disparaître, rincés jusqu'au trognon.
Mais là, c'est un pigeon de luxe, un qui n'aime pas l'argent qu'il a en trop grande quantité qu'il faut dénicher. Le sommet : "C'est une discussion que j'ai eue avec le maire (Note : ça, ça va sûrement aider). Il va y avoir la Biennale de céramique. J'y suis attachée et je suis, d'ailleurs, membre du jury (Note : on se demande bien à quel titre. Et qui l'a nommée à un tel poste. Cela donne une idée du sérieux et de la pertinence des avis de ce "jury"). Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vendre avant". Et ça, on n'en doute pas...!
Bref, affaire à saisir d'urgence : un emplacement de rêve, une déco à mourir d'ennui mais ça peut s'arranger si on a un marteau, une clientèle surabondante même que ce n'est pas la même qu'à Cannes: on attend avec impatience de voir la trombine du repreneur. Avant, et après. Et surtout, que les habituels morts-de-faim qui squattent toutes les réjouissances officielles pour s'empiffrer à l'oeil ne ratent pas le cocktail d'inauguration, qui sera grandiose...Plus que le pot de départ, deux ou trois ans plus tard, une fois fortune défaite...