LE PROJET MADOURA
Pourquoi est-ce que je dis et répète depuis des années que le projet "Madoura", auquel la Communauté d'Agglomération va consacrer des sommes énormes (nos impôts) est voué à l'échec ? Ce n'est pas juste la manifestation de ma mauvaise humeur (habituelle) ou de ma mauvaise foi (légendaire). C'est une conviction appuyée récemment sur un courriel émanant d'une des responsables du projet, qui m'écrivait : "Concernant les ateliers Madoura , le programme scientifique et culturel du lieu n'a pas pour axe d'en faire un musée car nous n'avons pas de collection tout simplement; mais plutôt un centre d'interprétation de la céramique à Vallauris avec toute une partie sur la terre, le process de fabrication, les créations de Suzanne Ramié et Pablo Picasso et Vallauris dans les années 50/60. Des ateliers pédagogiques, des salles d'expositions et des démonstrations in situ, à l'intérieur comme à l'extérieur sont prévus cela ne sera donc pas un endroit sans vie." Tout ceci est du baratin de technocrate coupé de la réalité.
En effet, qu'est-ce que la réalité ? Des journées entières, surtout hors saison (soit huit mois de l'année au moins) où il passera trois pelés et un tondu. Or, en cas de faible affluence, maintiendra-t-on, et à quel prix, les ateliers pédagogiques et des démonstrations à l'intérieur ET à l'extérieur ? Qui paiera les salaires de tous ces gens, qui s'échineront devant deux ou trois visiteurs ? Ou alors, ce lieu ne sera ouvert qu'en saison ? Et quel est l'intérêt de tout ceci ? Faire passer un bon moment aux visiteurs et puis, hop, ciao ? Quel effet réel sur l'activité de la ville ?
La stérilité d'un tel projet saute aux yeux...
Que faudrait-il faire, alors, gros malin ?
Cela me paraît pourtant évident. Au lieu de payer des fonctionnaires à animer des "ateliers pédagogiques" (on est en plein blabla à la mode) ou des démonstrations, il faudrait mettre dans ce lieu de vrais céramistes, qui travailleraient vraiment, sous les yeux du public (éventuellement, séparés par une vitre). Ces gens, choisis pour leur compétence, peut-être à leur sortie de l'Ecole des Beaux-Arts toute proche et abondamment pourvue en professeurs remarquables, accueillis gratuitement pour une période à fixer, travailleraient toute l'année, car ce serait leur métier, qu'il y ait affluence, ou pas un chat. Leur production pourrait être proposée à la vente dans une boutique, marquée d'un logo adéquat en plus de la signature, avec partage du chiffre d'affaires entre l'artisan et le lieu d'accueil. J'ai parlé de séparation, mais les céramistes pourraient aussi discuter avec le public, si bon leur semble, et lui faire partager leur passion. Bien entendu, tous les éclairages nécessaires sur le métier de céramiste seraient dispensés au public ; les jours d'affluence, les fameux "ateliers pédagogiques" pourraient être activés.
Ce serait un tremplin professionnel pour ces céramistes, à qui tout le matériel nécessaire serait prêté. Un tel lieu ferait office de pépinière et, au bout de leur contrat, les céramistes seraient incités à s'installer à Vallauris.
Ainsi, ils pourraient ensuite s'ils le désirent, être accueillis dans l'un des nombreux locaux commerciaux du centre-ville, aujourd'hui déserté, et qui seraient loués par la ville, en négociant les loyers à la baisse. Voilà un cursus tout trouvé pour relancer l'attractivité de la ville.
Pour mémoire, voir le succès de la verrerie de Biot. A part que là, ce ne serait pas des modèles standard répétés à l'infini, mais des productions artistiques et personnelles.
Rien à voir avec des tourneurs en CDI travaillant à longueur d'année sur des ouvrages destinés au recyclage.
Insister, comme il est prévu, sur "les années 50-60" en appuyant bien sur le fait que Vallauris, c'était hier, montre aussi à quel point les promoteurs du projet ont une vision passéiste. Ce qu'il faut, c'est favoriser l'avenir de Vallauris, pas se contenter d'évoquer un passé révolu, ce qui est le travail des musées.
Voilà. Nul doute que le projet stupide sera mené à terme, et le machin fermé définitivement dans 5 ou 6 ans, après avoir usé les finances publiques et les bonnes volontés
NB : Rappelons que les locaux et le terrain des anciens ateliers Madoura, jadis lieu où Picasso s'exerça à la céramique (dans les années 50), ont été acquis par la Communauté d'Agglomération dont Vallauris fait partie, afin d'y réaliser un espace voué à la céramique supposé dynamiser la ville.