Un vieil article oublié : le bain du Nouvel An 2008 à Vallauris
Je viens de retrouver cet article un peu ancien que j'avais rédigé suite à la grotesque mascarade du "Bain du Nouvel An" à Vallauris- Golfe-Juan, "événement" retransmis sur TF1 à 13h, diffusion nationale!! Pour éclairer les non-initiés, je rappelle que Napoléon a atterri sur cette même plage le 1er Mars 1815, retour de l'Ile d'Elbe, et que la conseillère municipale multicolore dont il est question est une personne à la chevelure teintée et changeante qui n'a pas son pareil pour bousculer des foules entières afin de figurer sur "la" photo (elle a réussi à passer à la télé aux côtés de M. Sarkozy!! On a les compétences qu'on peut...).
Le bain du Nouvel An 2008 à Golfe-Juan,
Par Christian Azaïs
On m’avait prévenu : il y a des téméraires sur la commune de Vallauris.
Aussi, ce 1er Janvier 2008, avais-je décidé de ne pas rater le spectacle : le bain du Nouvel An.
Vers 11h du matin, sous un soleil triomphant, je me joignis donc aux quelque cent cinquante curieux coagulés tels une colonie de manchots sur la plage de Golfe-Juan (mais ici, forcément des manchots-empereurs), et comme eux emmitouflé : gilet, veste, manteaux. Car l’événement n’était pas sans évoquer ces Russes plongeant dans la Neva gelée après en avoir brisé la glace, ces Suédois se frottant avec de la neige pour se réchauffer après leurs ablutions…Ici, il faut bien l’avouer, on crevait.
Le thermomètre affichait une température aquatique de l’ordre de 14 à 15°, de quoi décourager l’otarie la moins frileuse et faire claquer des dents le morse le plus endurci.
Mais le spectacle va commencer : les sportifs en maillot se rassemblent, enveloppés de chaudes sorties de bain ou de longues serviettes de plage, et sautillent pour se réchauffer. Leurs proches les encouragent, un peu angoissés tout de même.
Et voici que la plage semble bruire d’un murmure de satisfaction : le maire et le correspondant local de Nice-Matin viennent, comme toujours, d’arriver ensemble.
Le Théophraste n’hésite pas à payer de sa personne : en caleçon long, il s’enfonce jusqu’aux chevilles dans l’élément glacé, tenant haut son appareil hors de portée des embruns salins et iodés : fait rare, des déferlantes de 5cm ont été observées par la station météo.
C’est alors qu’une clameur s’élève du groupe des sportifs, qui s’élancent en courant vers les redoutables eaux, peut-être chargées de glaçons. « Fichtre », me dis-je in petto, plagiant l’empereur d’Allemagne admirant les cuirassiers français à Reichshoffen : « Les braves gens » !
Pour tenter d’affronter pareille épreuve, il me faudrait des heures de préparation physique et morale, puis tremper un orteil, l’autre, en grimaçant, priant et sacrant. Et voilà qu’au moins quarante héros se précipitent sans barguigner vers un destin qui pourrait être funeste, ou, pour le moins, vers des souffrances qu’aucune bête raisonnable ne saurait envisager sans effroi.
Mais, surprise, à peine entrés dans le liquide hostile et sombre, les voici qui s’arrêtent, font demi-tour, et, selon un rite apparemment ancien et bien réglé, hilares, affrontent les médias. La photo est prise dès que l’habituelle conseillère municipale multicolore s’est placée convenablement au premier rang. Et là, nouvel étonnement, alors que tout indiquait que le spectacle ne faisait que commencer, chacun ayant alors de l’eau jusqu’aux genoux ou à mi-cuisse pour les plus imprudents, tout le monde ressort derechef…Et c’est l’accueil des familiers enfin rassurés, tendant les serviettes et peignoirs salvateurs, tous se propulsant ensuite vers le vin chaud que des volontaires miséricordieux ont préparé. Sauvés ! Quel soulagement !
Les secouristes de l’antenne médicale constatent avec satisfaction qu’aucune perte n’est à déplorer.
Personne ne parlera jamais des huit inconscients qui eux, ont réellement nagé pendant quelques minutes. Il fallait juste, comme de coutume, faire semblant…C’est fait.