Vallauris et la scoumoune
Avez-vous vu le film des Monty Python « La vie de Brian » ? A la fin du film, Brian est crucifié, mais voilà que survient un commando suicide. Il est sauvé ! Hélas, arrivé au pied de la croix, le commando suicide…se suicide. Ca, c’est Vallauris.
D’une monotone bourgade noirâtre de suie , les Massier (venus de Limoges) avaient fait une cité mondialement connue au XIXème siècle. En 1948, prenant le relais, Picasso lui insuffle une seconde vie. Et des artistes accourus de partout l’enrichissent pendant toute la deuxième moitié du XXème siècle. Il est difficile d’imaginer autant de félicité…Pourtant, aujourd’hui, la ville est à l’agonie. Comment, après tant de circonstances favorables, en est-on arrivé là ? Il fallait compter avec l’insondable sottise des décideurs, non démentie à ce jour…
Quelques exemples :
Dans les années 50, la ville est dirigée par un maire honnête et plutôt sympathique (ce sera rarement le cas). Mais dont la vue est un peu courte. Picasso, son camarade en politique, propose de lui céder gratuitement toutes les toiles qui se trouvent dans son atelier, à condition que le local destiné à les accueillir soit fourni, même un préfabriqué. Réponse : pas question, l’argent, c’est pour les HLM . Résultat, le Musée Picasso est aujourd’hui à Antibes. Vers la même époque, Picasso propose au même mare de peindre une fresque dans la salle des mariages de la mairie (l’ancienne mairie, pas l’horreur que nous avons aujourd’hui). Réponse du maire : « Ca serait dommage, on vient de la repeindre ».
Glissons sur le maire suivant, passé en trois mandats de l’extrême gauche à l’extrême droite, qui laisse abattre la superbe cheminée des ateliers Massier, fait raser les bains-douches Massier pour y mettre cette verrue de mairie, le tout avec l’aval d’une élue qui se fera nommer plus tard adjointe en charge du patrimoine. C’est le début de l’époque de la lutte du pot de terre contre le pot de vin, ce dernier ayant manifestement le dessus. Mais c’est aussi celle où la biennale enregistre 220 000 entrées en deux mois (en 1968, contre 7000 aujourd’hui en 5 mois…). C’est celle où un collectionneur de renommée mondiale crée un musée privé consacré au 1er Empire (rappelons que Napoléon a débarqué sur la commune le 1er Mars 1815, retour de l’Ile d’Elbe). Cet amateur voulant céder sa collection à la ville (le plus bel ensemble mondial d'armes de la Garde Impériale) , le maire répondra « Que voulez-vous que je fasse de ces ferrailles ? ». La collection sera dispersée pour la plupart aux Etats-Unis, dix fois plus cher.
Le maire suivant ne trouvera pas mieux que de camoufler le superbe retable de la chapelle de la Miséricorde, au moyen d’une espèce de panneau hideux destiné à supporter les non moins hideuses productions d’ « art contemporain » ( ne pas rire : le terrorisme intellectuel attaché au concept d’art contemporain interdit d’affirmer ce que tout le monde pense : 1% de génie, 2% de supportable et 97% de m…). Le même refusera à Jean Marais de peindre des fresques dans la même chapelle (« Remarquez, ça ne gênera pas, puisqu’on ne les verra pas »).
Ne parlons pas des différentes tentatives de restauration de la vieille ville : pavés auto-bloquants, petits pavés de granit polychrome, béton, asphalte, aucune mocheté n’aura été épargnée.
Le pire a été commis au cours des 6 dernières années : monstrueuse place « désert des tartares » trop fragile pour supporter une manifestation, destruction du tissu économique, bétonage à outrance (ouf, merci la crise, pourvu que ça dure…), réfection de la vieille ville par un architecte plus familier de la banlieue parisienne que des villages provençaux, mélange des genres politique-affaires-mafia locale (Voir « L’Express » du 6 Août 2008).
A remarquer qu’à chacune des manifestations autocratiques (et auto crétiniques) des ridicules petits potentats locaux, aucun élu n’a jamais bronché.
Quel avenir pour Vallauris ? Comme disait Pierre Dac : « L’avenir est devant nous, et ceux qui se retourneront l’auront dans le dos ».